“Rien ne ressemble plus à des vies ratées que certaines réussites.” Julien Green

Quand je demande à quelqu’un ce qu’est « réussir sa vie », la réponse est souvent « être heureux ».
Bien sûr ça parait évident. Mais c’est à dire ? Comment être heureux ?

On sait bien que l’argent ne fait pas le bonheur, bien qu’il y contribue. Mais au delà de la simplicité de ce proverbe que tout le monde connaît, que faisons-nous pour la plupart au quotidien ? Si on ne définit pas nos priorités nous-mêmes en y réfléchissant réellement, ne laissons-nous pas la société les définir à notre place ?

La vision de la société

Notre société répète et nous apprend que Réussir c’est avant tout réussir matériellement. Pour être heureux, il faut avoir un bon travail (un CDI bien payé), de l’argent, être propriétaire, des biens matériels. Il faut travailler durement et payer ses impôts, consommer et enfin partir à la retraite et mourir en paix. C’est simple en somme.

Pourtant, même parmi les gagnants de ce modèle, la consommation d’antidépresseurs n’a jamais été aussi élevée. Nous sommes nombreux à être stressés, anxieux et à subir une forte pression au quotidien sur notre travail, nos carrières.

On voudrait croire qu’aller travailler dans un bureau 8h par jour, pendant plus de 40 ans est la recette de la réussite ? Même si ce travail n’est pas souvent épanouissant et ne permet pas de nous éclater.
En arrivant le soir fatigué après sa journée et en se posant devant la TV sans énergie après avoir terminé les corvées ménagères ? Tout ça pendant nos meilleures années de la vie, en attendant la prochaine grosse bouffée d’oxygène, nos congés.

Et bien sûr grâce à ce travail dur, on pourra peut être avoir une augmentation et plus l’argent pour consommer plus : acheter le nouvel iphone ou une plus belle voiture.

« On fait un travail qu’on déteste pour acheter des choses dont on n’a pas besoin pour impressionner des gens qu’on n’aime pas » – Tyler Durden dans Fight club

Et finalement, après ces 40 ans d’efforts à travailler pour des actionnaires, je peux enfin partir à la retraite de profiter de mon temps. Mais plus de ma santé ni de l’énergie de ma jeunesse. Est-ce qu’il n’y a pas un problème ? Tous ces efforts permettent-ils vraiment d’augmenter sa réussite personnelle (son bonheur) ?

Ce qui compte vraiment

Même une fois qu’on a la réussite sociale, les mêmes problèmes, interrogations et difficultés de la vie sont là. Ce n’est pas le compte en banque qui va nous donner du temps, enlever notre stress, nous aider à trouver du sens. Ou même aider à subir les grosses difficultés de la vie (comme une maladie grave ou la perte d’un proche)

Il faut alors réaliser une chose : ce qu’on a à l’extérieur n’est pas ce qui nous rend heureux.
Bien sûr il faut avoir un minimum pour vivre convenablement, mais pour un citoyen dans un pays privilégié à notre époque, le minimum est très facile à obtenir.

réussir sa vie

La pyramide des besoins de Maslow, qui présente un niveau hiérarchique des besoins (l’étage supérieur ayant besoin de ceux de dessous), montre que nous sommes presque directement sur les plus hautes couches. Les seules couches « matérielles » (physiologique et de sécurité) qui demandent de l’argent sont largement atteintes si vous avez un ordinateur et une connexion Internet (vous avez un toit et de quoi manger).

Le reste est à l’intérieur de nous et dans nos relations avec nos proches. Dire que le bonheur est avant tout une quête intérieure est bien plus sage qu’on le pense. Ce n’est pas matériellement qu’on va le trouver. La recette serait simple, pour être heureux ne faut-il pas privilégier les choses essentielles:

  • Les relations avec nos proches
  • Notre santé
  • Développer notre sagesse, apprendre, trouver nos passions
  • Contribuer à quelque chose de plus grand que nous (aider les autres, s’exprimer, faire de l’art, …)

Une étude américaine sur le bonheur suit depuis 1938, 764 hommes et leurs descendants. Je vous laisse deviner les points communs de ceux qui sont le plus heureux : le succès social et la carrière n’ont pas été importants. Mais ce qui a fait la différence est : la santé, la qualité des relations avec leurs proches et leur épanouissement personnel.

N’est-il donc pas très important de libérer du temps pour traiter ces priorités essentielles ? Si on passe 80% de notre temps à chasser d’autres choses (carrière, profondeur du compte en banque, pouvoir), on ne pourra jamais se consacrer aux vraies priorités. Notre temps est limité, notre énergie également.

Pour illustrer, imaginons la vie d’un Monsieur Bonsalarié, que j’ai souvent eu comme collègue. Monsieur Bonsalarié a 50 ans et travaille depuis 30 ans comme ingénieur dans des bureaux d’études. Un travail dont il se satisfait : bon salaire, bon statut social, confortable dans un bureau chauffé en hiver et climatisé en été. Bon d’accord, le travail n’est plus très intéressant pour Mr Bonsalarié, il est parfois répétitif, parfois trop politique, parfois ennuyant. Mais ça paye les factures et les vacances.
Bien sûr les journées sont assez longues et il arrive fatigué le soir chez lui après les transports en commun ou embouteillages. Après avoir mangé, avec sa famille, il se pose devant la TV jusqu’au moment d’aller se coucher.

Est-ce qu’au cours de ces 30 ans de carrière, Monsieur Bonsalarié a utilisé du temps pour apprendre et s’enrichir personnellement ? Pour travailler sur lui-même ? A-t-il pu faire du sport régulièrement et avoir une bonne alimentation pour être en bonne santé ? A-t-il découvert des passions et contribué à quelque chose de significatif, dans lequel il croit ? Consacré du temps pour être présent pour sa famille et ses amis, et pas que le dimanche après-midi ?

Quand je regarde mes collègues, la réponse à ces différentes questions est souvent négative… Bien sûr beaucoup ont des hobbys qu’ils pratiquent quelques heures par mois…
Souvent, les choses qui devraient être LA priorité, sont reléguées au second plan. Pourquoi ? Par manque de temps, à cause des enfants, parce que les choses ont évoluées dans cette direction (même si certains avaient ou ont encore des rêves). Parce que ça passe tellement vite.

En réalité ce sont des prétextes. C’est parce que si on ne fait pas un effort conscient pour réfléchir stratégiquement à ses priorités et si on n’alloue pas du temps pour agir, on reste dans le « mode par défaut ». Et ce mode par défaut est dicté par la société : je vais faire comme les autres, me laisser porter en pensant uniquement aux petits tracas quotidiens. Sauf que dans 10 / 20 / 30 ans, rien n’aura changé.

Faut-il se laisser flotter et porter par la mer ou partir à la nage vers un but que l’on aura choisi pour nous même ? Et si on n’a pas de but ? Alors le but sera toujours fixé pour soi par les circonstances et la société. Et pas forcément dans le sens de notre bonheur et paix intérieure.

Chacun sa route, chacun son chemin

Si on accepte de prioriser les choses réellement importantes dans sa vie, il reste quand même une grosse question. Quel style de vie avoir ? Il faut quand même gagner sa vie pour se nourrir, se loger et s’occuper de sa famille.

Il existe de nombreuses façons de libérer du temps à consacrer aux vraies priorités, de se créer le style de vie qui nous convient. L’important est de se créer un style de vie dont on n’a pas envie de s’échapper.

Par exemple :

  • Conserver son mode de vie actuel mais être plus défensif de son temps et de son énergie et les consacrer aux choses essentielles, quitte à faire des sacrifices sur les choses superficielles et matérielles
  • En réalisant l’importance secondaire de la carrière, trouver un travail qui nous laisse du temps et nous prends moins d’énergie, dans un endroit que l’on aime (êtes-vous plutôt campagne, mer, montagne ou grande ville ? Ici ou à l’étranger ?). En réduisant ses besoins matériels et en appréciant ce que l’on a déjà
  • Trouver sa passion, la développer jusqu’à pouvoir en faire son travail
  • S’engager dans une cause qui nous importe, essayer de sauver le monde
  • Monter son petit business qui permet de générer de l’argent en restant libre
  • Choisir un mode de vie réellement alternatif (ex : vivre en autonomie à la campagne avec son potager et avec besoin de peu d’argent)

Bien sûr, quel que soit son chemin, il est primordial de ne pas remettre à demain les choses essentielles et de prendre du plaisir en chemin. Sinon on risque d’attendre toute sa vie. Même aujourd’hui, si j’ai un mode de vie stressant et peu de temps libre, je peux commencer à travailler sur moi, sur ma santé, mes connaissances…

Pourquoi ne pas partir un peu plus tôt ? Ou se lever plus tôt le matin pour lire un peu ? Ne plus accepter certaines activités qui n’amènent pas de valeur dans notre vie ?

Se libérer de la pression

Réaliser que la « réussite sociale » est d’importance secondaire a de nombreux avantages.

Libération de la jalousie : on peut avoir tendance à être jaloux de nos connaissances ou collègues plus riches que nous (qui réussissent mieux socialement). Mais il faut comprendre que ça ne veut pas dire qu’ils sont plus heureux et parfois même au contraire. Et s’ils sont heureux, tant mieux pour nous, le bonheur est encore plus contagieux que la frustration.

Moins d’achats compulsifs : c’est quand on a cette frustration intérieure, que les lubies arrivent, que l’on veut acheter en pensant que consommer nous rendra heureux. Mais c’est totalement vain, l’envie reviendra tout aussi vite qu’elle est partie.

Moins de stress au travail, baisse du carriérisme : le travail est un moyen mais ne doit pas être la quête principale de notre vie. Notre identité doit être construite avec d’autres composantes que notre seul rôle au travail, ce qui n’est pas le cas quand on ne fait que travailler. En prenant conscience de cela, nous n’avons plus à nous faire souffrir ou gouverner par la peur de ne pas être à la hauteur.

Libération de la peur du lendemain : pourquoi avoir peur du lendemain ? Peur de prendre un risque concernant son travail qui ne nous épanouie pas ? Peur de se lancer dans une passion que nous voulons développer ? Nous avons matériellement largement d’abondance pour avoir nos besoins externes satisfaits toute notre vie (alimentation, nourriture, sécurité). En cas de coup dur, en travaillant, nous pourrons rebondir.

Bien sûr certaines personnes ont probablement des situations plus compliquées qui demandent de la prudence. Mais pour la plupart d’entre nous, les conséquences négatives d’une prise de risque sont relativement faibles à l’échelle de notre vie et la situation est réversible (moyennant un temps pour s’en remettre). D’autant plus que c’est en essayant et en échouant qu’on apprend, que l’on progresse et découvre qui on est.

“Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme.” – Winston Churchill

Notre vie sur cette planète est très courte et limitée, un grain de poussière à l’échelle de l’univers.
Avoir les bonnes priorités permet de profiter de chaque jour (sans attendre la prochaine promotion ou les prochaines vacances) sans être frustré au quotidien et d’avancer sur un chemin qui nous est propre.

Pour finir, lisez cette petite histoire pleine de sagesse :

“Au bord de l’eau dans un petit village côtier mexicain, un bateau rentre au port, ramenant plusieurs thons. L’Américain complimente le pêcheur mexicain sur la qualité de ses poissons et lui demande combien de temps il lui a fallu pour les capturer :

« Pas très longtemps » , répond le Mexicain.

« Mais alors, pourquoi n’êtes-vous pas resté en mer plus longtemps pour en attraper plus? » demande l’Américain. Le Mexicain répond que ces quelques poissons suffiront à subvenir aux besoins de sa famille.

L’Américain demande alors : « Mais que faites-vous le reste du temps? »

« Je fais la grasse matinée, je pêche un peu, je joue avec mes enfants, je fais la sieste avec ma femme. Le soir, je vais au village voir mes amis. Nous buvons du vin et jouons de la guitare. J’ai une vie bien remplie. »

L’Américain l’interrompt : « J’ai un MBA de l’université de Harvard et je peux vous aider. Vous devriez commencer par pêcher plus longtemps. Avec les bénéfices dégagés, vous pourriez acheter un plus gros bateau. Avec l’argent que vous rapporterait ce bateau, vous pourriez en acheter un deuxième et ainsi de suite jusqu’à ce que vous possédiez une flotte de chalutiers. Au lieu de vendre vos poissons à un intermédiaire, vous pourriez négocier directement avec l’usine, et même ouvrir votre propre usine. Vous pourriez alors quitter votre petit village pour Mexico City, Los Angeles, puis peut-être New York, d’où vous dirigeriez toutes vos affaires. »

Le Mexicain demande alors : « Combien de temps cela prendrait-il? »

« 15 à 20 ans » , répond le banquier américain.

« Et après? »

« Après, c’est là que ça devient intéressant », répond l’Américain en riant.

« Quand le moment sera venu, vous pourrez introduire votre société en bourse et vous gagnerez des millions. »

« Des millions? Mais après? »

« Après, vous pourrez prendre votre retraite, habiter dans un petit village côtier, faire la grasse matinée, jouer avec vos petits-enfants, pêcher un peu, faire la sieste avec votre femme et passer vos soirées à boire et à jouer de la guitare avec vos amis. »

réussir sa vie

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