Salut Camille, est-ce que tu pourrais te présenter ?
Je m’appelle Camille Raymond, j’ai 25 ans et je suis le CEO de Yestudent, une plateforme de mise en relation entre étudiants du monde entier. Que ce soit lors d’un voyage, le temps de passer un entretien, ou pour un week-end festif, Yestudent permet de voyager en Europe pour 15€ par nuit, chez des étudiants partageant les mêmes centres d’intérêt.
J’ai eu mon premier PC à l’âge 13 ans et très vite, j’ai créé des sites web de paris sportifs avec mon ami Soffyan. A l’âge de 14 ans j’ai perçu mes premiers revenus grâce à de la publicité sur nos sites. Mais quand le gouvernement a fait passer une loi sur les jeux d’argent en 2009, nous avons fermé nos sites internet. Du jour au lendemain, nous n’avions plus aucun revenu. J’ai alors décidé de passer de l’autre côté des paris sportifs en devenant joueur de poker professionnel. J’ai arrêté mes études après l’obtention de mon bac et ai vécu du poker pendant plus d’un an. J’ai fait le tour du monde, vécu à Las Vegas et participé à des événements et tournois hors du commun.
Au bout d’un an, j’ai décidé de reprendre mes études et j’ai intégré le Programme Bachelor de Toulouse Business School. J’ai même pu m’acheter un appartement avec l’argent du poker. En 2ème année de Bachelor, on a eu un partiel en webmarketing. Nous sommes allés beaucoup plus loin que les consignes et avons créé un véritable projet entrepreneurial. Le professeur, en plus de nous attribuer un 20 sur 20 a vu un véritable potentiel dans ce qui n’était à l’époque qu’une idée. Il nous a encouragés à travailler ensemble et a investi de sa poche dans la startup. Son chèque a marqué le début Yestudent, il y a maintenant 3 ans.
Nous étions 3 et développions le projet à distance puisque j’étais en stage à Los Angeles. L’année suivante, nous avons testé Yestudent à Toulouse en situation réelle. Nous avions une centaine de clients étudiants et leurs retours étaient très positifs, ce qui nous a encouragés à continuer.
Aujourd’hui je ne joue plus du tout au poker, je trouve l’entrepreneuriat bien plus excitant.
Qu’est-ce qui t’as encouragé à entreprendre ?
C’est principalement ma volonté de faire quelque chose qui a du sens, qui peut être utile pour tous. Ce n’est pas l’argent qui me motive. D’ailleurs, très peu d’entrepreneurs sont motivés par l’argent.
Tu peux nous dire quelques mots sur Yestudent ?
J’ai grandi près d’Orléans. Bouger de chez papa maman c’est difficile : on prend son train, on est tout seul, c’est stressant. Donc j’ai trouvé une idée cool qui est de rencontrer un maximum de personnes de son âge lorsque l’on quitte son cocon familial. Ce sont les personnes que nous rencontrons qui nous façonnent et nous font vivre de belles expériences. Tout seul, on a tendance à se perdre, au sens propre comme au sens figuré. Quand je suis arrivé à Los Angeles pour mon premier stage, j’avais réservé une chambre d’hôtel sur internet sans même savoir que j’étais dans le quartier mexicain, le quartier le plus dangereux de LA. En sortant le premier soir, j’ai vu des mecs courir et faire tomber un flingue, autant vous dire que j’aurais aimé avoir un retour sur ce quartier avant d’y aller.
Après avoir testé Yestudent à Toulouse, nous avons pris un risque énorme, qui s’est révélé être l’une de nos meilleures décisions : nous avons tout de suite recruté Vincent, un mec de 35 ans très doué en développement web. Il ne le savait pas à cette époque, mais au moment de signer son contrat, nous n’avions absolument pas les moyens de le rémunérer. Malgré cela, nous avons toujours réussi à le payer dans les temps, et aujourd’hui c’est l’un de nos atouts majeurs. Prendre ce risque nous a en quelque sorte encouragés à nous bouger pour pouvoir le payer. Dès son arrivée, nous avons développé une vraie plateforme, en prenant en considération tous les retours que l’on avait récolté lors de la période test. Notre premier financement ? Je crois que c’était un emprunt bancaire de 25 000€. Ce qui nous a permis de recruter des stagiaires, principalement en relation client.
Nous avons ensuite créé At Home, un bel espace Place de la Bourse à Toulouse, afin de s’entourer de talents et créer une communauté. Puis vint le lancement officiel de Yestudent. Nous voulions commencer par un développement national, mais au bout de quelques jours nos hôtes proposaient déjà des logements dans 12 pays. Aujourd’hui nous sommes présents dans 40 pays, sommes sur le point d’atteindre les 100 000 utilisateurs et avons levé au total 500 000€.
Yestudent est une plateforme qui pour l’utilisateur paraît extrêmement simple, mais notre job est en réalité bien plus complexe. En ce moment par exemple, nous sommes en train d’intégrer de l’intelligence artificielle pour permettre aux étudiants qui recherchent un appartement de matcher parfaitement avec l’hôte de leurs rêves.
Quel est l’avenir de la location entre particuliers ?
Il existe aujourd’hui beaucoup de solutions pour se loger. Notre plus proche concurrent reste l’auberge de jeunesse. Puis en plus cher et plus haut de gamme il y a l’hôtel. Pour ce qui est du web, il y existe évidemment Airbnb qui propose des prestations plus chères que les nôtres, et le Couchsurfing qui est une solution intéressante mais peu sûre et qui ne propose aucun service client.
En 2002 on comptait environ 100 millions de voyageurs internationaux entre 18 et 25 ans, principalement dans un cadre scolaire ou linguistique. En 2011, ce chiffre est passé à 190 millions et en 2020 on prévoit 300 millions de jeunes voyageurs internationaux. Cette croissance est principalement due à la baisse des coûts du transport et à l’ouverture internationale. Nous avons donc de belles perspectives devant nous !
Quels sont les plus gros défis que tu as dû relever dans le cadre du développement de Yestudent ?
Les plus gros défis à relever sont sans hésiter le recrutement et le management.
J’ai travaillé plus de 100 heures par semaine pendant 6 mois pour préparer notre dernière levée de fonds. Pendant cette période intense, on se sent souvent seuls, on voyage beaucoup pour rencontrer des investisseurs, assister aux Road Show, sans compter les kilos que l’on prend à cause d’une hygiène de vie déplorable. Et quand on lève enfin de l’argent et que l’on pense que tout est fini, on se rend compte que ce n’est que le début d’une période hyper compliquée.
Chez Yestudent nous sommes passés de 5 personnes à 18. Les phases d’hypercroissance sont très difficiles à manager. Ceux qui avant la levée de fonds « faisaient » doivent désormais apprendre aux nouveaux comment faire. La croissance stagne donc pendant quelque temps. Il faut réussir à créer une vraie culture d’entreprise, une bonne ambiance, un sentiment d’appartenance, et je dois avouer que chez Yestudent c’est plutôt réussi. Mais il aura fallu beaucoup de transparence, de franchise et de capacité à se remettre en question.
Qu’est-ce qui te pousse à te lever le matin et où puises-tu ton énergie ?
Pour être honnête j’ai toujours beaucoup de mal à me lever le matin. Mais en aucun cas je ne manquerais une journée de travail, c’est plus fort que moi. Je me lève parce que je sens qu’il se passe quelque chose.
Ce qui m’excite dans l’écosystème dans lequel on entreprend aujourd’hui, c’est que l’on peut avoir du succès et malgré tout s’éclater en plein vol. Plus on travaille, plus Yestudent croît, plus les bas sont de plus en plus bas, et les hauts de plus en plus hauts. Ce qui est incroyable, c’est qu’actuellement tous nos indicateurs sont dans le vert, mais on peut quand même tout perdre du jour au lendemain. Regardez Take Eat Easy qui a dû mettre la clé sous la porte malgré une réussite exceptionnelle.
Les retours clients sont également une énorme source de motivation. On a récemment trouvé un logement à une étudiante qui n’avait que 200€ pour un mois. Nous recevons parfois des photos très drôles de nos clients. Une fois, on a même mis en relation des jeunes qui se sont par la suite mis en colocation. Quelle satisfaction !
Quel est ton objectif personnel sur le long terme ?
Je travaille tous les jours et m’autorise un dimanche de repos sur deux. Mais pour être honnête, c’est le jour de la semaine qui me plaît le moins, je m’ennuie ! Entreprendre fait désormais partie de moi, je me vois donc continuer sur cette voie, garder cette excitation à créer des choses utiles.
3 choses que tu aimes par-dessus tout ?
- Ma team, c’est une grande famille avec un sentiment d’appartenance hors du commun
- Les bonnes bières
- Voyager
Une anecdote à nous partager ?
L’un de nos premiers stagiaires, avait un Bac +4 en ingénierie. L’épreuve de recrutement consistait à recevoir un email le jeudi à minuit avec un problème à résoudre et à nous présenter le vendredi. Le mail était traqué et nous pouvions observer comment il travaillait, sachant que le problème était évidemment impossible à résoudre.
Le vendredi, il nous a présenté sa solution, et nous avons décidé de le recruter car il avait tout donné pour cette épreuve. En très peu de temps, il est devenu excellent, et nous lui avons proposé d’arrêter ses études en Master 1 pour nous rejoindre.
Lorsque l’on est startupper, on n’a ni le temps, ni l’envie de mettre le nez dans la paperasse. Nous ne savions absolument pas comment nous ’y prendre avec un employé d’origine étrangère. Une chose est sûre, il avait un talent. Du jour au lendemain, notre petit génie a reçu un avis d’expulsion du territoire, ce qui l’obligeait à retourner en Guinée. Pendant plusieurs semaines, nous l’avons aidé à gérer cette galère, mais son départ semblait inévitable.
Puis j’ai décidé de prendre la situation en main et de porter plainte contre l’Etat. Je considère en effet qu’en expulsant l’un des nos employés les plus talentueux, l’Etat porte préjudice à mon entreprise. Après 8 mois interminables et deux procès, nous avons remporté la bataille ! Aujourd’hui, il travaille toujours chez nous et est sur le point de devenir Français. Un bel esprit de solidarité qui reflète la philosophie de Yestudent.
Quel conseil veux-tu donner à la génération Y ?
Rien ne sert de vouloir anticiper. L’essentiel c’est d’être réactif ! Les Business Plans sont un problème de riches. Quand tu as de l’argent et qu’il se passe quelque chose, il faut faire un BP, mais sinon, il faut tenter des choses, saisir les opportunités qui se présentent.
Plus ton niveau de risque est élevé, plus tu te bouges pour réussir. Si tu gagnes 5000€ par mois et que tu entreprends, tu auras moins tendance à tout donner pour créer une entreprise à succès. D’ailleurs on observe que toutes les startups ont une croissance beaucoup plus importante quand il ne reste plus que 6 mois de cash. Tout est donc une histoire de risque et d’opportunités.
Beaucoup parlent de se lancer, mais très peu le font car ils n’osent pas. On se trouve beaucoup d’excuses : c’est compliqué, il faut de l’argent, etc. Mais quand on est jeune c’est le moment le plus facile pour le faire et on peut très facilement rebondir sur autre chose en cas d’échec. A chaque fois que j’ai osé, j’ai appris énormément et c’est ce qui m’a rapporté le plus de satisfactions. OSEZ franchir le pas !
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